La revanche de Bakamé

 


“La revanche de Bakamé” de P. Van Oudheusden, J. Janssen



 

 

Je viens de finir « La revanche de Bakamé » de Jeroen Janssen, BD iconoclaste traduite du flamand. Tout d’abord, l’ouvrage est très beau: papier glacé, très bonne reliure, ce qui ne gâche rien ! Les couleurs sont vibrantes et traduisent le propos de l’auteur. Ce dernier met en scène, dans cette version africaine du « Roman de Renard » un lapin fourbe qui instrumentalise la vanité et la bête brutalité de son entourage. Son but ? Voler de la bière, coucher avec un maximum de femmes (de préférence celles de ses ennemis) ou juste semer la zizanie.


Jeroen Janssen s’en donne à coeur de joie en dépeignant une Afrique sexuellement débridée et attachée à ses traditions locales, ses sorciers et son honneur. Tout ça est raconté de manière enjouée et loufoque. On est à 1000 lieues de Jean de La Fontaine et de ses chastes histoires mais la morale, elle, est tout aussi impitoyable: la vaniteuse hyène paie le prix de ses mensonges à travers une punition culminant dans une scène de cannibalisme (je ne peux pas tout révéler de peur de gâcher le suspense !).

Le style de cette bande dessinée s’inspire de la peinture populaire et s’il n’y avait pas cette forte tonalité érotique, elle rappellerait les illustrations de contes pour enfants. Disons que les enfants sont grands et se voient confrontés à leurs fantasmes sur le continent noir.

L’intrigue ? La voilà: « Pour avoir prêté sa caisse au malicieux lièvre Bakamé, la hyène Mpyisi se voit poursuivie par une bande de parieurs qui crient vengeance ! ». En d’autres termes : il s’agit d’une bien sérieuse histoire de supporters de football qui dégénère en une bien sombre fable de nostalgie colonialiste ironique (si ça ne vous a pas intrigué et mis l’eau à la bouche, c’est que vous avez la peau plus épaisse qu’une banane plantain et les yeux frottés au piment).

 

Donc la morale, je disais. Au délà de la moquerie envers les paradeurs, les notables aux beaux costumes, les petits chefs de village, l’ouvrage livre des sagesses de la nuit des temps ou plus prosaïquement d’un Rwanda fictif (probablement plus vrai que le vrai): « Qui a voyagé seul raconte ce qu’il veut » (proverbe Rwandais, Imigani 4224). Et ce faisant, Jeroen Janssen se présente comme un véritable lièvre rwandais: le mensonge de l’oeuvre de fiction sert une vérité rarement dépeinte avec autant de férocité amusée. Franchement, je vous conseille cet album. C’est très différent de ce que j’ai lu jusqu’ici.

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